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La cathédrale Saint-Jean et ses chanoines comtes !

Dernière mise à jour : 11 janv. 2022

Article du 29/12/21

Photo de couverture : Thomas Crémoux


La cathédrale Saint-Jean ce n’est pas que sa chapelle gothique flamboyante, son horloge astronomique, des rosaces, son baptistère du IVe siècle de notre ère et ses statues sans têtes, témoins du passage du Baron des Adrets. La cathédrale Saint-Jean, c’est aussi le siège de l’évêque et de son chapitre de chanoines.

Pour faire simple, disons que le chanoine est un clerc ou ecclésiastique qui fait partie du chapitre d'une cathédrale. Le chapitre est un groupe de personnes qui va diriger une église.

Lorsqu’on vous parle de « chanoine » vous savez qu’automatiquement ils seront associés soit :

  • à une cathédrale (qui est le siège de l’évêque- cathedra en latin signifie « siège »)

  • à une basilique

  • à une église collégiale (c'est un groupe de clerc qui dirigent une église).

Maintenant que l’on sait les lieux qu’ils côtoient, quels sont leur rôle? ils en ont 2.

Le premier c'est qu'ils font partie du conseil de l'évêque et deuxièmement, ils doivent réciter l'office public.

Je vois certains froncer les sourcils, « oui mais ce n’est pas le prêtre qui célèbre la messe ? » Oui vous avez raison mais… pas que ! Du coup, les chanoines sont-ils prêtres ou moines ?

On décrypte !


Prêtre, moine et chanoine.

Le prêtre, vous le connaissez tous. C’est celui qui va dire la messe et administrer les sacrements c’est-à-dire célébrer la naissance, le mariage et le décès.

Le moine, dans l'inconscient collectif, est toujours représenté avec une tonsure, des habits de bure et ils vivent dans un monastère ou une abbaye à l'écart d'un village. Donc, pour résumer, il est cloîtré et suit la règle de son ordre. Petit détail, certains moines peuvent être prêtre mais ce n'est pas une obligation.

Le chanoine, quant à lui n’est ni un prêtre, puisqu'il ne donne pas les sacrements, ni un moine puisqu'il ne vit pas à l'écart du monde. C'est un ecclésiastique qui épaule l'évêque et qui va réciter l'office public.


Couvent, monastère et collégiale


On continue sur notre lancée en différenciant le couvent, d’un monastère, d’une collégiale.


Le couvent est un établissement religieux non monastique donc non cloitré et séparé du monde. On en trouve dans nos villes. à Lyon, par exemple, vous aviez au 13e siècle le couvent des Célestins (aujourd'hui situé à l'emplacement du Théâtre des Célestins) ou le couvent des Jacobins (aujourd'hui situé au niveau de la place des Jacobins). Le terme couvent est souvent compris à tort comme un lieu cloitré, coupé du monde alors qu’il est au contraire ouvert sur le monde. Ceux qui les habitent sont des « frères » ou des « sœurs ». Sachez que si vous voulez visiter lors de vos weekend vacances des couvents vous pouvez mais l’architecture sera pauvre et simple. A la base ils étaient tellement pauvres que le terrain où ils se situent est un don et non à acheter. Exemple pour le couvent des Célestins, à certains moments, même si les Célestins ont eu plus de finance, le bâtiment quoique monumental est resté simple avec une absence d’ornementation.


Ensuite, les moines habitent dans un monastère ou une abbaye. Le monastère à l’inverse du couvent est un établissement religieux qui est coupé du monde dont les occupants sont cloitrés. Dans ce type d’établissement, j’inclus les abbayes et les prieurés. La différence entre abbaye et prieuré c’est que le prieuré dépend d’une abbaye.


Enfin, les chanoines appartiennent à un chapitre d’une église collégiale ou un chapitre de cathédrale ou de basilique. La collégiale n’est pas un établissement religieux mais une structure. C’est une église qui est en fait confiée à un collège de chanoines, d’où son nom « collégiale ». Avant, on avait sur Lyon plusieurs collégiales comme celle de l’église de Saint Nizier, de Saint-Just. Aujourd’hui les collégiales ne sont que des églises paroissiales c’est-à-dire que c’est un lieu de culte fréquenté par les croyants d’un même quartier où on y célèbre les baptêmes, mariages, enterrements, ainsi que des offices religieux.


Chanoine, les origines.


Il faut savoir qu’aux début de l’église chrétienne, en temps qu’homme célibataire, on à le choix entre 2 types de vie. Soit se faire moine et vivre une vie monastique, retiré dans des abbayes ou monastères ; Soit mener une vie religieuse sacerdotale tournée vers les autres comme prêtre dans une paroisse. Mais (et oui…il y a toujours un mais) dans les premiers siècles de l'église, des évêques soucieux de vivre une vie plus monastique, plus recluse pour se concentrer davantage sur l'apprentissage des écritures et la méditation, décident de mélanger « le côté monastique avec le côté sacerdotale ». C'est-à-dire qu'ils ont regrouper autour d’eux des clercs attachés au service de leur église. C’est un peu comme la reine qui a besoin d'avoir ses courtisanes autour d'elle. Là, c'est l'évêque qui a besoin d'avoir son groupe de clercs autour de lui. Au début, c'était pour mener une vie de renoncement, tout en assurant son rôle d’évêque. Et au fur à mesure, les chanoines étaient là pour épauler l'évêque dans la gestion du groupe épiscopale. Ce groupe de clers ou d’ecclésiastiques vit avec l'évêque tout en suivant des règles ou « canones », ce qui donnera leur noms « canonici », terme qui va apparaître pour la première fois en 520 de notre ère. Au fils du temps, « canonici » va donner « chanoine ».

Dès lors, les chanoines deviennent la nouveauté du moment et les conciles encouragent cette nouvelle communauté épiscopale. Plusieurs règles sont écrites plus ou moins strictes par différents religieux. A chacun de savoir de quelle règle il se réclame.


Au début du IXe siècle, Charlemagne souhaite unifier la vie du clergé. Lors du concile d’Aix-la Chapelle en 816, on rassemble et on discute des textes qui serviront de référence aux chanoines. Ces nouvelles dispositions vont être connues sous le nom de règles d’Aix et il est possible pour les chanoines d’avoir des biens privés ou fonciers.


Ensuite deux trois siècles plus tard entre le 11e et le 12e siècle, les chanoines vont vouloir mener une vie davantage tournée vers la prédication qui s'inspire de la vie des apôtres à Jérusalem à l’époque de l'église primitive. Donc, on exclut toute propriété privée et on fait un trait sur la règle d’Aix (sans jeu de mots…). On se tourne vers d'autres règles comme le Praeceptum, écrit par Saint Augustin à la fin du IVe siècle. Il en a écrit des différentes pour plusieurs types de communautés mais dans tous les cas il y a un point commun : elles sont toutes marquées par l'austérité et les pratiques ascétiques qu'il emprunte aux moines et aux ermites. Le Praeceptum va être adopté par certaines communautés canoniales (chanoine) qui vont être plus modérées dans l'application de pratiques austères. Certaines d'entre elles supprime même la propriété privée. Bref vous l'aurez compris au fil des siècles l'observance de certaines règles évolue.


Alors comment faire pour s’y retrouver avec une appellation pour 2 types de chanoines différents ?

Petites astuces pour vous y retrouver : « chanoines réguliers » pour ceux qui suivent une règle, ça vient du latin regularis « la règle ». Et, « chanoines séculiers » pour ceux qui vivent dans leur siècle dans une collégiale ou une cathédrale.

Bon petit clin d’œil à Adélard qui dénonçait ce pléonasme de “chanoines régulier”. Et oui, “chanoine” vient du grec κανονικ́ος, veut déjà dire régulier, tandis que « régulier » vient du latin regularis, formé sur regula, la règle. Un « régulier qui suit le rège »…un tantinet redondant !




Bon bref, les chanoines vont avoir la cote et atteignent leur apogée au XIIe siècle. Ils seront un peu détrônés par les ordres mendiants qui arriveront au siècle d’après, le XIIIe siècle.


Les chanoines, leur rôle


Dans le dessein initial de l'Église, le chapitre cathédral est « appelé à collaborer avec l’évêque et sous sa direction”. Les chapitres cathédraux sont fondés de manière informelle vers le IVe siècle : à cette époque, les évêques choisissent un groupe de conseillers parmi les clercs, d'abord de manière informelle, puis de façon de plus en plus structurée. Le terme canonici (qui donne « chanoines » en français moderne) apparaît vers le VIIIe siècle.

Rapidement composé de nobles, le chapitre devient durant plusieurs siècles une force politique importante à Lyon, rivalisant la plupart du temps avec l'archevêque. Lors de certaines situations de crise où une menace extérieure intervenait, au contraire, le chapitre faisait front avec ce dernier contre la menace.

Petite précision : l’archevêque est un titre donné à un évêque placé à la tête des autres évêques d'une province ecclésiastique Ça n’implique pas une supériorité d'ordre.

Au XIIIe siècle, le chapitre a autorité sur le patrimoine foncier indépendant de l’archevêché. D’ailleurs, dans l’enceinte canoniale il exerce la justice et détermine les normes de la vie canoniale.

Avec le temps, le chapitre va progressivement s’émanciper et se dissocier matériellement de l’Archevêché.


Montrer patte blanche


Comment se passe l'admission des chanoines comtes dans le chapitre de la cathédrale à Lyon ?

On observe dès le XIe siècle, l’obligation de prouver son ascendance noble sur 4 générations. He oui ! Les chanoines sont des « comtes » à partir du XIVe siècle (voir la partie intitulée Chanoines-comtes). Cette règle est un peu la conséquence naturelle du pouvoir temporel de l'église qui influence les grandes familles de la région à vouloir mettre leur fils cadet dans le chapitre de la cathédrale de Lyon. On note, également, le nombre de chanoines restreint pour éviter l'introduction de chanoines étrangers.

Petite remarque sur ces deux caractéristiques de « noblesse » » et de « nombre restreint ». Elles interviennent au moment où la ville de Lyon est intégrée au royaume de France. On pourrait penser que c’est une façon de garder une autonomie par rapport au royaume de France avec un chapitre fermé constitué de la noblesse locale. Ça évite d'avoir des personnes venues d'autres pays ou d'autres régions qui font partie du royaume de France, de venir s'incruster dans le chapitre lyonnais.


le problème c'est que le chapitre avoir une forte implication dans les affaires internes et ça va aiguiser les conflits avec la bourgeoisie car la défense des intérêts familiaux locaux constitue la ligne de conduite principale de la plupart des chanoines


Lors du concile d'Aix-la-Chapelle à la fin du IXe siècle l'ancienne les bâtiments indispensables à la vie commune des chanoines : claustrum, dormitorium, refectorium


Claustrum : c'est l'enclos canoniale qui est fermée par des portes qui sont surveillés pas rapporter qui remet les clefs au prévôt préposé par l'évêque. Dans la cathédrale de Saint-Jean vous avez le chamarier qui est le gardien de la sécurité de l'enclos qui a les clés qui gère la police de surveillance.

Ensuite vous avez le dormitorium et le refectorium où le dortoir et le réfectoire qui sont bien évidemment indispensables à la vie commune. Selon la règle que les chanoines suivent les malades peuvent loger dans un logement séparé. L’évêque pouvait accorder des dérogations à d’autres chanoines.

Au XIe siècle la règle d'Aix est encore suivie par la majorité des communautés canoniales. À partir du siècle suivant, on l’abandonne progressivement au profit de nouvelles formes de vie religieuse.

Les chanoines comtes A partir du IXe siècle, l’église sort de ses platebandes et s’immisce dans le système seigneurial. L’église commence à recevoir des dons, des legs, des concessions qui

forment au fur et à mesure de vastes domaines ecclésiastiques. A joutez à ces domaines ecclésiastiques « revenus fonciers » et « pouvoir de commandement, de justice et de

police » et vous aurez un aperçu du pouvoir seigneurial de l’église.

C’est ainsi qu’au XIe siècle « l’église de Lyon » (c’est-à-dire l’archevêque et du chapitre) et le comte du Forez se dispute l’autorité du comté de Lyon. Après moult querelles et accrochages, le gagnant est…l’église de Lyon. Le traité signé en 1173 répartis les terres et biens des 2 parties. Le roi s’incruste dans ce nouvel équilibre et incorpore au début du XIVe siècle (1307 -1312 pour être exact) Lyon et le comté, au royaume de France donnant au passage aux chanoines le titre de « comte », titre que plus personne ne peut contester.

Alors que vont -ils gagner de plus avec ce titre ronflant de « chanoine comte » ?


Il faut savoir qu’à cette époque le comté se situait à l’ouest du Rhône et englobait l’actuel 5eme arrondissement de Lyon. Les petites justices seigneuriales ou basse justice (vol, amende..) étaient traitées par la cour du Comté. Le comté de Lyon englobait 80

« seigneuries à justice » ou terres sur lesquelles ont pouvait rendre justice parmi lesquelles une trentaine appartenait aux chanoines.

Comme l’explique bien le musée du diocèse de Lyon « sur le plan local le chapitre, bien que dépossédé par le roi de tout pouvoir politique, détenait […] une réelle puissance temporelle, dont chacun des chanoines était un représentant, d'abord dans la seigneurie qui lui était attribuée, et aussi sur la place de Lyon ».

Si les chanoines se trouvaient fort aise de leur condition, d’autre le voyait d’un mauvais œil. Le Consulat (l’ancêtre de notre municipalité d’aujourd’hui) essaya pendant plusieurs siècles (de la fin XVIème jusqu' à la fin du XVIIIème siècle) de contester ce titre de comte mais c’était peine perdue, puisqu’ils se heurtaient à la justice royale.


Mais, me direz vous, pourquoi le Consulat voulait déposséder les chanoines de leur titre de « comte » ?

N’oublions pas que le Consulat avait été assujettie à la seigneurie de l’Eglise et ils voulaient s’affranchir de tout autre seigneurie. Les chanoines étant « comte », ils constituaient sur Lyon la seule noblesse d’épée existante. En effet, d’une part Lyon était une ville principalement bourgeoise et d’autre part, les chanoines devaient montrer leur noblesse sur 4 générations.


Cette hostilité du Consulat envers les chanoines n’empêcha pas ces derniers de porter secours aux ouvriers de la soie au chômage à la fin du XVIIIe siècle. On peut penser qu’ils le firent d’une part, par charité chrétienne et d’autre part, ils assumaient leur rôle

de « seigneur » qui protège ses gens.


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Webographie



Bibliographie


BALARD, Michel. Avant-propos In : Le clerc séculier au Moyen Âge : XXIIe Congrès de la SHMES (Amiens, juin 1991) [en ligne]. Paris : Éditions de la Sorbonne, 1993 (généré le 29 décembre 2021). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/psorbonne/25161>. ISBN : 9791035102371. DOI : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.25161.


BARRALIS, Christine (dir.) ; et al. Église et État, Église ou État ? Les clercs et la genèse de l’État moderne. Nouvelle édition [en ligne]. Paris-Rome : Éditions de la Sorbonne, 2014 (généré le 29 décembre 2021). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/psorbonne/3516>. ISBN : 9782859449322. DOI : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.3516.


GAZEAU, Véronique. Avant-propos In : Apprendre, produire, se conduire : Le modèle au Moyen Âge : XLVe Congrès de la SHMESP (Nancy-Metz, 22 mai-25 mai 2014) [en ligne]. Paris : Éditions de la Sorbonne, 2015 (généré le 29 décembre 2021). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/psorbonne/26931>. ISBN : 9791035101428. DOI : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.26931.












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